Page 75 - Le travail post-retraite
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Le travail, clé de l’utilité sociale et de la forme
au «saurais-tu comment lui dire d’arrêter? C’est comme avant, il n’est jamais là». Le quatrième type est celui de «l’impossible transition». Soizic, l’épouse de Frank, une ex-prof de maths de l’enseignement catho- lique de 66 ans, est en retraite depuis cinq ans. Elle se mord encore les doigts d’avoir voulu quitter le lycée pour retourner en collège, à partir de la cinquantaine. L’enfance a ses cruautés. L’enseignante qui passait ses étés à familiariser de jeunes Cambodgiens avec le français a été anéan- tie, moralement et physiquement. En miettes. Elle vit l’impossible tran- sition puisqu’aucun accompagnement n’a eu lieu qui l’aurait aidée à la fois à faire le deuil de l’enseignement et à réemployer ses compétences de manière gratifiante. Marie-France aussi a quitté l’enseignement pré- maturément. Saoulée par les insolences et le sans-gêne des lycéennes de la section Bureautique Secrétariat.
Quand le petit patron devient consultant
«Tu crois que tu pourrais glisser à Robert l’idée que nous partions en vacances ? ». Robert est un architecte-artisan sexagénaire à la tête d’une petite équipe qui bâtit des immeubles de taille modeste, refond des magasins et adapte avec ascenseur des villas au vieillissement de leurs propriétaires. Sans véritable envie de décrocher, depuis le temps qu’il incarne son métier sur les chantiers ! Son nom est devenu une marque. D’où la difficulté que Robert éprouve à déléguer à son jeune associé qui ne jouit pas du même entregent commercial. « Tu comprends. J’ai un peu de mal. Sur les chantiers, c’est moi que l’on attend. D’ailleurs, je ne peux pas me passer d’aller sur les chantiers. »
Avec un père, d’abord maçon puis entrepreneur construisant des maisons individuelles, le bâtiment, la construction sont dans ses gènes. Alors, comment passer de sa propension à s’enfermer le dimanche dans son cabinet, de l’idée que l’architecture ne peut pas tourner sans lui, à une prise de distance salutaire et assumée ?
Robert est coincé dans une sorte de déni entre l’impossible retraite et la nécessaire transposition-transmission. Il est plus aisé au cadre d’entre- prise d’échanger et d’accepter de se faire conseiller qu’au créateur et patron d’un petit cabinet d’architecture. Mais, le jour où il aura accepté son chan- gement de position, la sérénité de sa nouvelle attitude fera de lui un conseiller apprécié de son successeur. Il éprouvera de la satisfaction.
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