Page 183 - Le travail post-retraite
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Le senior, si nécessaire à la transmission entre générations
productive, le jugement d’une personnalité. Les cadets pensent que toute donnée est disponible en permanence sur Internet et font plus rarement cet effort. Or l’absence de tri, de contextualisation et de sourçage des informations reçues ne forme pas forcément au discernement.
L’expertise selon Churchill : la somme
des erreurs, plus les acquis de la résilience
«Vous avez tout le poids du monde sur le dos, mais les batailles antérieures vous ont préparé pour ce moment spécifique. Vous êtes fort parce que vous êtes imparfait. Vous êtes avisé parce que vous savez douter184.» Que ces mots de Clementine à l’adresse de son mari Winston Churchill en mai 1940 soient strictement authen- tiques ou non, leur substance traduit le degré d’expertise du vieux soldat-journaliste-peintre-écrivain-politicien et dernier dirigeant politique des années de la Première Guerre mondiale, à nouveau en charge du destin de son pays à la déclaration de la Seconde.
L’arrivée de Churchill au poste de Premier ministre résulte d’un concours de circonstances malheureuses. Churchill n’a plus rien à perdre. Il est déjà étiqueté sybarite, senior et – pire – has been.
Le défaitiste Chamberlain vient d’être renversé. 300000 soldats britanniques campent autour de Dunkerque dans l’attente d’une solution de rapatriement qui ne vient pas ou d’un départ pour les camps de prisonniers que la fulgurante progression d’Hitler annonce. Churchill est alors un gros vieux monsieur chauve de 66 ans qui compte autant d’actions à son crédit qu’à son passif. Il a connu une enfance malheureuse et négligée par ses parents. Il en tire sa tendance à la dépression, sa résilience et son désir d’agir vite, de dévorer l’existence : son père est mort jeune. Ajoutons à son débit une scolarité médiocre, brouillonne et rebelle, une entrée dif- ficile à l’école militaire de Sandhurst (à la troisième tentative) puis l’épanouissement dans son rôle d’officier en Inde, une participa- tion aventureuse à la guerre des Boers. En Afrique du Sud, il est, en parallèle puis successivement, officier et journaliste pour les quoti- diens anglais, prisonnier de l’ennemi, évadé, libérateur d’un camp! Le voici député à 26 ans, auteur de livres d’actualité (pas de traités de science politique). À 40 ans, en 1914, il est ministre de la Marine, proche du sommet de la carrière et renvoyé dès 1915 aux oubliettes
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