Page 110 - Le travail post-retraite
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Pourquoi le travail post-retraite est indispensable
l’emploi, elle gagnerait sur les deux faces de la médaille. Pile, son mes- sage était reçu, elle obtenait de sa hiérarchie, soucieuse de la garder, le poste souhaité ; face, elle partait avec une confortable indemnité qui remboursait son reliquat d’emprunts immobiliers. L’indemnité l’affran- chirait aussi des servitudes de la chute de revenus que la retraite impli- quait. Toutefois, il lui restait un sentiment de gâchis au regard de la compétence acquise, la frustration qui résulte d’une histoire inachevée.
Mais était-on certain que la connaissance qu’elle avait développée intéresserait encore longtemps l’entreprise? «Le patron m’a alors pro- posé un moyen terme. Je quitterai l’entreprise. Mais je deviendrai four- nisseur. Je continuerai la collecte des informations, la représentation de la boîte dans les colloques de recherche, je poursuivrai mes analyses. Mais je devrai prendre à mon compte cette fois la réalisation technique du site et de sa newsletter. »
Nathalie a donc suivi la formation à la mise en ligne de sa publica- tion. Elle est devenue fournisseur de services rédactionnels, « veilleuse » informationnelle pour l’équivalent d’un mi-temps valorisant le savoir, l’actualisant et le réinvestissant. Ainsi l’entreprise préservait-elle un acquis en vue d’un redéveloppement du secteur qui ne s’est pas produit mais qui aurait pu se produire. Donc chacun avait fait un pas. L’histoire d’une réserve gérée avec discernement. «Alors, à l’issue du contrat, j’ai repris du service de manière analogue pour un site professionnel rela- tif au design, que j’ai fourni en synthèses d’études et revues de presse internationale de tendances. J’y ai transféré la connaissance des sources que j’avais acquise, les techniques de lecture rapide de la presse en lan- gues étrangères et l’aptitude à la synthèse que mes dix années d’expé- rience m’avaient permis de développer. Ai-je été déstabilisée par le fait de changer de marché ? Au contraire, le défi a renouvelé l’intérêt du jeu car je ne me voyais pas m’ennuyer au travail. Mais il est bon de tran- cher avec ce qui a pu ressembler à une carrière pour reprendre, deuil accompli, d’une autre manière. Et en dépit du fait que je ne partais pas formellement en retraite, on m’avait organisé une soirée qui marquait le changement de statut. »
À 69 ans aujourd’hui, Nathalie exerce toujours un rôle de conseil et d’éditeur-packager pour deux de ses anciens employeurs, qui ont su maintenir le lien avec elle après s’en être séparée. La rupture de statut a été marquée par une manifestation symbolique permettant aux parties concernées de ne garder aucun contentieux ou amertume qui obèrerait une collaboration ultérieure.
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